Qu’est-ce que la psychanalyse jungienne ? Interview de Céline Gaulot

Céline Gaulot, psychanalyste jungienne et formatrice, nous livre son éclairage sur la démarche psychanalytique de Carl Gustav Jung.

Tout d’abord, quelle est votre vision de la psychanalyse ?

Céline Gaulot : Pour moi, la psychanalyse est un art. Un art, parce qu’elle s’effectue sans outil : la psychanalyse ne fait pas appel à des questionnaires pré-établis, ni à des échelles ni à des outils de diagnostics : elle s’appuie sur la créativité, elle est par essence créative. C’est un art, parce qu’elle travaille avec l’invisible. On tire un fil : la personne vient comme elle est, peut-être avec rien, en apparence, et l’on arrive à d’autres dimensions de sa psyché. De cette manière, on retrouve des événements qui peuvent paraître anodins mais qui marquent son esprit et qui peuvent lui rappeler quelque chose qui s’est déjà produit, des attitudes qui l’ont blessée ou qui mettent en évidence des traumatismes. Et derrière, on peut rencontrer des ressources jusque là non perçues, une richesse, une vérité. « On dirait que vous savez qu’il y a une figure dans le bloc, et que vous vous bornez à casser tout autour la gangue qui nous la cache« , disait à l’époque l’historien d’art Camille Mauclair à propos du travail du sculpteur Rodin. Cette image illustre bien le chemin psychanalytique jungien.

La psychanalyse est aussi une forme d’engagement : presque comme une histoire d’amour ! Tout se fait par la rencontre de deux conscients et de deux inconscients.

« Jung adopte une vision plus spirituelle que Freud »

Quels aspects de la psychanalyse sont typiquement jungiens ?

Céline Gaulot : Marie Louise von Franz, qui était proche collaboratrice de Jung, a écrit que « l’analyste doit se dire encore et encore : « Je ne sais pas ce que Dieu veut de cette personne ! » Tout ce qu’il peut faire, c’est aider le patient à mieux entendre ce que sa propre psyché lui murmure. » C’est une citation typiquement jungienne.

Jung a mis en évidence une zone de la conscience profonde qu’il nomme l’inconscient collectif dans lequel on trouve les archétypes. Un archétype est l’ombre, qui rassemble tout ce que l’on a refoulé ou que l’on ne veut pas voir. La rencontre avec cet archétype en soi demande du courage, car il s’agit alors souvent de regarder qui on est, déchirer le voile de l’illusion et des constructions qui nous ont protégé mais qui ne sont plus d’actualité pour son être et qui nous entravent. Traverser l’Ombre, l’accepter, c’est aussi se donner la chance de se rencontrer dans son essence ultime, de faire vivre des aspects de ce que Jung appelle le Soi.

On peut aussi dire que Jung adopte une vision plus spirituelle que Freud, qui cherchait une validation scientifique. D’ailleurs, les Jungiens sont dits plus ouverts à d’autres dimensions, là où les Freudiens se concentrent sur l’inconscient personnel ou la petite enfance. Françoise Dolto le résumait ainsi : « Freud soigne les racines, Jung fait fleurir les branches. » Lorsque je reçois un patient, je ne reçois pas qu’un cerveau qui parle. Je prends en compte les dimensions transpersonnelle, périnatale, spirituelle, mais aussi énergétique, corporelle, etc. J’accueille l’être entier car on ne sait pas d’où va venir le message de l’âme.

« C’est l’alchimie entre le patient et le praticien qui permet d’avancer »

À qui peut s’adresser la psychanalyse jungienne ? Est-elle réservée à certains troubles ?

Céline Gaulot : La psychanalyse jungienne peut s’adresser à tout type de patients et ne traite pas de pathologie spécifique. Au contraire de l’EMDR (Eye Movement Desentitization and Reprocessing), par exemple, que l’on préconise dans la prise en charge de traumatismes ou des thérapies cognitivo-comportementales souvent associées au traitement des phobies.

Mais au-delà de ça, c’est avant tout l’alchimie entre le patient et le praticien qui permet de travailler. Il est surtout important de trouver « son » thérapeute pour pouvoir avancer.

Pour finir, comment décririez-vous la psychanalyse jungienne en quelques mots ?

Céline Gaulot : Un art de la transformation, ou un art alchimique. L’idée de l’alchimie qui consiste à transformer le plomb en or s’applique aussi au processus d’évolution psychique.

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